Pas de pénalité pour un franchisé de la distribution alimentaire qui avait rompu son contrat avant son terme et rejoint une enseigne concurrente. C’est ce que vient de décider la cour d’appel de Rouen, statuant sur renvoi de la Cour de cassation.
La cour d'appel de Rouen vient d'annuler, par un arrêt du 15 septembre 2011, une clause de non-réaffiliation post-contractuelle dans un contrat Shopi. Statuant sur renvoi de la Cour de cassation dans un conflit qui dure depuis 1999, la cour d'appel a pris une décision très argumentée sur une question sensible pour le secteur de la distribution alimentaire et même pour toute la franchise.
Une clause de non-réaffiliation annulée
Le contrat – de 1994 – prévoyait qu'en cas de rupture anticipée, le franchisé ne pouvait pas rejoindre une autre enseigne ni vendre de produits qui lui soient attachés (marques propres) pendant une durée d'un an dans un rayon de 5 km autour du magasin. Or, c'est précisément ce qu'ont fait les ex-franchisés en rompant leur contrat avant son terme et en rejoignant l'enseigne Coccinelle, suite à un désaccord stratégique avec leur franchiseur.
La cour rappelle d'abord que, pour être valable, une telle clause restreignant la liberté de l'affilié ne doit pas seulement être limitée dans le temps et l'espace, mais aussi « être dictée par la nécessaire protection d'un intérêt légitime du franchiseur et rester proportionnée à l'objectif qu'elle poursuit ». Elle affirme ensuite qu'il n'y avait, en l'occurrence, ni intérêt légitime, ni proportionnalité.
Protection du savoir-faire ?
S'ils reconnaissent au savoir-faire du franchiseur un caractère « indéniable », les juges relèvent que la clause en question « n'est en réalité pas liée à la crainte de la fuite (de ce) savoir-faire vers des groupes concurrents, puisqu'elle n'a vocation à s'appliquer qu'en cas de rupture anticipée, alors que ce risque est encouru d'égale manière à l'échéance prévue du contrat ».
Au passage, les magistrats notent que ce savoir-faire est constitué d'éléments qui s'avèrent être soit communs à tous les acteurs du secteur, soit observables par tous, soit spécifiques (comme la politique de promotion de l'enseigne), mais sont, dans ce cas « abandonnés par l'ex-franchisé dès lors qu'il quitte le réseau »…
Une clause « disproportionnée »
Reprenant une argumentation connue, la cour ajoute que « le fait d'être affilié à un groupe constitue (dans le secteur) un élément nécessaire et indispensable à l'exercice de l'activité ». Et elle estime qu'en l'espèce, « la surface de vente de la supérette (des franchisés) dans un petit chef-lieu de canton de l'Oise exclut toute possibilité économique viable pour eux, d'un approvisionnement autre que celui en provenance d'un réseau ou d'une centrale d'achat ».
Pour la cour, la clause n'est donc « pas nécessaire à la protection du savoir-faire attaché à l'enseigne Shopi et s'avère en outre totalement disproportionnée aux intérêts économiques qu'elle est censée protéger puisqu'elle rend quasi impossible pendant une année la poursuite de l'exploitation du fonds de commerce ». Constituant une « atteinte illégitime à la liberté de commerce », elle n'est, pour elle, pas valable.
Dans ce litige, le franchiseur peut, bien sûr, se pourvoir une troisième fois en cassation. On ne peut toutefois s'empêcher de constater que l'argumentation de la cour d'appel de Rouen paraît bien en ligne avec plusieurs décisions récentes de la Haute-Cour en matière de distribution alimentaire.