Quand un franchisé vend son entreprise, le franchiseur dispose souvent d’un droit de préférence qui lui permet de se porter acquéreur. S’il ne l’exerce pas, le point de vente franchisé peut aussitôt passer à la concurrence.
La Cour de cassation vient de rejeter, le 6 septembre 2011, deux pourvois de Carrefour Proximité France. Carrefour reprochait à Casino et Intermarché les conditions dans lesquelles ils s'étaient rendus acquéreurs d'anciens points de vente franchisés. Respectivement développés sous enseigne 8 à Huit et Shopi.
Un 8 à Huit racheté par Casino
Voici les faits : un franchisé 8 à Huit informe Carrefour de sa décision de vendre et lui transmet l'offre d'achat de Casino. Il demande en outre, dans le cas où le franchiseur renoncerait à exercer son « droit de préférence », la résiliation de ses contrats (de franchise et d'approvisionnement). A l'expiration de son délai de réflexion, le franchiseur ne s'étant pas manifesté, le franchisé cède son fonds à Casino.
Pour Carrefour, c'est la preuve de la « déloyauté » de son concurrent qui s'est en outre « rendu complice de la rupture du contrat de franchise par le (franchisé) cédant ».
Pour la Cour de cassation, au contraire, la cour d'appel (de Chambéry) a eu raison de considérer que « Casino n'avait commis aucune faute ». Carrefour ayant choisi de « ne pas exercer son droit de préférence en toute connaissance de cause ».
Un Shopi repris par Intermarché
Dans le conflit opposant Carrefour à ITM (Intermarché), un franchisé Shopi signe une promesse de vente et en informe son franchiseur. Ne souhaitant pas exercer son droit de préférence, celui-ci le lui fait savoir mais ajoute qu'il s'oppose à toute résiliation anticipée des contrats en cours. Le franchisé résilie toutefois ses contrats et cède son fonds à ITM.
Pour Carrefour, il s'agit, de la part d'ITM, de « concurrence déloyale » et de complicité dans « la violation des contrats » et notamment de la clause de non-réaffiliation (à un réseau concurrent).
Là encore, les Hauts magistrats rejettent le pourvoi de Carrefour Proximité France en approuvant la décision de la cour d'appel (de Grenoble). Pour les juges, « l'acquisition du fonds de commerce par la société ITM (a) été réalisée dans le respect du pacte de préférence liant le franchiseur et le franchisé ». De même, « aucune incitation déloyale en vue de la rupture n'est démontrée ».
Droit de préférence et passage à la concurrence
Autrement dit, quand un franchisé veut vendre son fonds de commerce, il peut le faire quand il le veut. Même à une enseigne concurrente, même si son franchiseur ne souhaite pas, pour sa part, interrompre le contrat. Le franchiseur a donc tout intérêt, s'il veut garder le point de vente dans le réseau, à se porter lui-même acquéreur en exerçant son droit de préférence.
Ces deux arrêts de la Cour de cassation sont aussi à rapprocher de sa décision du 7 juin 2011, visant à rendre les changements d'enseigne plus faciles aux franchisés d'un même secteur (dans la grande distribution alimentaire en tout cas) et les accusations de « complicité » des réseaux concurrents (dans la rupture d'un franchisé) plus difficiles à mettre en œuvre.
Une tendance récente et cohérente avec les souhaits, sur le sujet, de l'Autorité de la Concurrence…