Un franchisé peut-il réaliser une cession partielle de son entreprise ? Oui, répond la cour d’appel de Metz… Il y va de la liberté d’entreprendre et de l’équilibre du contrat estiment les magistrats.
La cour d’appel de Metz a rendu le 27 janvier 2015 un arrêt très argumenté concernant un contrat de franchise Carrefour. Si les magistrats valident le droit de préférence du franchiseur, ils le déboutent de ses demandes de condamnation à l’encontre de son ex-franchisé.
Le litige commence en 2006. Trois ans à peine après avoir ouvert sa supérette 8 à Huit (groupe Carrefour), un franchisé envisage de céder son affaire à Spar (groupe Casino).
Son affaire ou plutôt une partie de celle-ci. En effet, avant de devenir franchisé, ce commerçant indépendant avait développé sur le même site pendant 6 ans une activité de boucherie et de boulangerie industrielle.
Une activité qu’il compte conserver. Il est donc vendeur de la seule partie épicerie du magasin. Casino est intéressé et fait une offre. Le franchisé en informe son franchiseur.
Mais précisément celui-ci ne fait pas jouer son droit de préférence. Pour Carrefour, l’activité boucherie-boulangerie, située au fond du local, ne peut pas fonctionner indépendamment. Le fonds de commerce 8 à Huit est indivisible. Il estime donc ne pas pouvoir se porter acquéreur aux mêmes conditions que Casino.
Le franchiseur résilie le contrat pour divers motifs. Libéré, le franchisé réalise sa vente.
Deux ans plus tard, le franchiseur assigne son ex-franchisé en justice. Carrefour estime qu’en organisant une cession partielle, son ex-partenaire a rendu sciemment inopérant son droit de préférence.
De même, il n’a pas respecté la clause de non-réaffiliation post-contractuelle puisque son « stand » personnel de boucherie-boulangerie bénéficie désormais de l’enseigne d’un groupe concurrent.
Liberté d’entreprendre et déséquilibre significatif
La cour d’appel de Metz voit les choses tout à fait autrement.
La clause de non-réaffiliation post-contractuelle ne s’appliquait, selon le contrat, qu’en cas de rupture anticipée du fait du franchisé. Pour la cour, puisque c’est le franchiseur qui a rompu, on ne peut reprocher au franchisé de ne pas s’être senti lié par cette clause.
Par ailleurs, vu son antériorité dans son cœur de métier, le franchisé avait, selon les juges, « une clientèle propre ». Et Carrefour « ne prouve pas » que son ex-partenaire ait bénéficié, depuis la cession, de l’attractivité de l’enseigne concurrente.
Quant à la cession partielle de son affaire, rien n’empêchait le franchisé de la réaliser, estiment les magistrats. Aucun des 6 cas de résiliation pour faute du franchisé prévus au contrat ne comprenait le démembrement du fonds de commerce. La possibilité pour le franchisé de concéder certains rayons étant même envisagée… Le franchiseur aurait donc pu l’accepter et faire jouer son droit de préférence sur la partie du fonds en vente.
Mais la cour va plus loin. Pour les juges, « ajouter l’interdiction de démembrer le fonds (de commerce) aux conditions particulièrement favorables prévues par le contrat au profit du franchiseur par rapport à celles reconnues au franchisé, reviendrait à instituer une clause abusive entraînant un déséquilibre significatif entre les parties. »
Et même… interdire au franchisé « d’obtenir le maintien à son profit de ce qui constitue son cœur de métier » signifierait s’opposer aux principes de libre concurrence découlant de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789…
Le franchisé est reconnu dans son droit. Mais la bataille judiciaire n’est sans doute pas terminée.
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