La cour d’appel de Douai a condamné une banque pour avoir accordé un crédit à un futur franchisé, au lieu de le mettre en garde contre le caractère irréaliste de son projet. Alors qu’elle connaissait bien la rentabilité réelle du réseau concerné.
Une banque spécialisée en franchise vient d'être condamnée par la cour d'appel de Douai, dans un arrêt rendu le 29 octobre 2013. Motif principal : elle n'a pas averti son client franchisé des risques inhérents au réseau qu'il rejoignait, alors qu'elle les connaissait.
Juillet 2008 : la banque accorde un prêt de 318 000 euros à un franchisé qui en apporte lui-même 100 000 pour ouvrir un terminal de cuisson en franchise. A la demande du banquier, le franchisé (personne physique) se porte caution solidaire pour l'emprunt effectué par son entreprise.
Mais le franchisé n'atteint pas le chiffre d'affaires prévu et les charges s'avèrent rapidement trop lourdes. Il réinjecte 230 000 euros dans l'affaire. Sans succès. En octobre 2010, le tribunal de commerce prononce la liquidation judiciaire de sa société.
Décembre 2010 : la banque met en demeure le franchisé-caution de lui rembourser les 238 592 euros de prêt restants dus. En vain. La banque assigne alors le franchisé en justice. Elle est déboutée en première instance, en septembre 2012. Et c'est le franchisé qui fait appel, réclamant des dommages et intérêts.
Pour sa défense, la banque estime qu'elle n'a commis aucune faute, et que c'était au franchisé, normalement informé par le franchiseur (état du marché, bilans, prévisionnel), de « prendre en compte les risques« .
La cour d'appel de Douai (chambre 2, section 2), a une tout autre lecture des faits. D'abord, elle donne raison aux juges de première instance d'avoir estimé que la caution demandée (413 000 euros) au franchisé était « disproportionnée » au regard de ses revenus et patrimoine.
165 000 euros de dommages et intérêts pour le franchisé
Les juges relèvent par ailleurs que le franchisé (ex-commercial dans une imprimerie)« ne disposait d'aucune expérience en matière de franchise, de gestion d'un fonds de commerce et de restauration rapide« . « En présence d'un emprunteur et d'une caution non avertis, la banque était tenue d'une obligation de mise en garde« , estime la cour.
Enfin, la banque finançait déjà plusieurs franchisés du réseau à un moment où ceux-ci étaient au moins une quinzaine à subir des pertes financières et/ou des procédures collectives.
« En raison de son expertise en matière de franchise et de sa connaissance précise du réseau, la banque ne pouvait manquer de percevoir que le dossier prévisionnel établi par le franchiseur (…) n'était pas conforme à la rentabilité (de la chaîne)« , expliquent les juges.
« La banque détenait des informations sur le réseau dont ne disposait pas le franchisé« , poursuit la cour. « En s'abstenant de les lui communiquer et en ne l'alertant pas sur le risque tiré de l'opération, la banque a commis une faute de nature à engager sa responsabilité« .
Résultat : la banque est condamnée à verser au franchisé 165 000 euros de dommages et intérêts pour « perte de chance de mieux investir ses capitaux« .
Pour Maitres Charlotte Bellet et Rodolphe Perrier (cabinet Méresse), qui ont obtenu cette décision : « Les banques ne peuvent donc plus se présenter comme des spécialistes de la franchise sans en fournir la contrepartie, sous peine d’avoir à en assumer les conséquences juridiques et financières. Les franchisés, emprunteurs et cautions, sauront s’en souvenir« . Le message est on ne peut plus clair.
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