Le savoir-faire d’un franchiseur se mesure aussi à l’aune des moyens qu’il met en place pour animer son réseau, soutenir la performance de ses partenaires et leur prêter main-forte en cas de difficultés.
Mesurer la valeur d’un franchiseur, c’est évidemment s’assurer de la pertinence et de l’originalité de son concept. Mais pas seulement. C’est aussi évaluer ses qualités en tant que manager de chaîne, autrement dit les efforts qu’il déploie au quotidien pour accompagner, soutenir et motiver ses franchisés (concessionnaires, affiliés ou coopérateurs…).
Or, si la santé financière de la tête de réseau se jauge assez aisément à partir des données figurant dans le DIP (Document d’information précontractuelle) ; si celle de ses partenaires déjà installés se calcule, sinon s’estime, sur la base de ratios relativement accessibles, ses compétences en matière d’assistance et d’animation sont plus délicates à apprécier.
Il reste qu’un certains nombres d’indicateurs peuvent permettre au candidat de se faire une opinion assez juste à ce sujet. “L’historique du réseau, le nombre de fermetures de points de vente inscrit dans le DIP, l’organigramme de l’entreprise, le nombre d’animateurs qu’elle emploie, le discours des franchisés rencontrés”, cite notamment Laurent Delafontaine, consultant spécialisé (cabinet Axe Réseaux), membre du Collège des experts de la Fédération française de la franchise. Ajoutons-y le rythme des visites à chacun des partenaires, l’existence d’événements réguliers type conventions ou commissions, la présence de l’enseigne sur Internet et les réseaux sociaux, le budget qu’elle consacre à la publicité… Ou encore la formation continue qu’elle propose à ses adhérents tout au long de leur contrat.
“Il semble évident que dans une notion de partenariat, d’exploitation commune d’une enseigne, d’investissements partagés… le franchiseur aura intérêt à former au mieux ses partenaires afin de les rendre performants dans l’exploitation du concept, mais aussi à leur prêter aide et assistance ponctuelle en cas de difficultés”, note Laurent Delafontaine. S’appuyant sur cette “évidence”, Franchise Magazine a mené l’enquête auprès de 363 têtes de réseaux. Leurs réponses confirment le rôle important que la plupart attribuent de fait à l’accompagnement de leur réseau.
D’après leurs retours, 332 enseignes sur 363, soit 91 %, disposent spécifiquement et à plein-temps, d’au moins un animateur au service de leurs partenaires. 30 % en déclarent précisément 1 ; 22 % en salarient 2 ; 13 % en emploient 3 et 8 % plus de 10. Des données rassurantes quant au sérieux des franchiseurs.
Mais qui, évidemment, doivent être lues en regard de la taille des réseaux concernés. Car c’est bien au rapport entre le nombre d’animateurs et celui des franchisés que devra s’intéresser le candidat séduit par un concept, ce ratio seul qui lui permettra de déterminer s’il peut espérer avoir affaire à des interlocuteurs suffisamment disponibles.
Ainsi, Midas (310 franchises) fait travailler 15 animateurs, soit environ 1 pour 20 unités, et La Mie Câline (217 franchises) 12, soit 1 pour 18 unités. Mais le ratio est comparable chez Babychou Services (2 animateurs pour 47 franchises) ou Attila Système (photo, 5 animateurs pour 63), pourtant de plus petits réseaux.
Le candidat devra également se renseigner sur les moyens dont dispose ce “staff”. Et la manière dont il est appelé à travailler. “Le rôle de l’animateur est triple, rappelle Laurent Delafontaine (photo). Ambassadeur de la marque, il relaye une stratégie, des plans d’actions, remonte les dysfonctionnements, informe des nouveautés produits, transmet l’information au réseau… Consultant, il a une vision critique et constructive sur l’exploitation du concept, améliore la performance par ses conseils et apporte de la valeur ajoutée au franchisé afin de l’aider dans l’atteinte de ses objectifs. Auditeur, il contrôle le parfait respect du cahier des charges de l’enseigne par le franchisé et son équipe, en particulier sur le maintien des standards de qualité vis-à-vis des consommateurs”, détaille le spécialiste. Une cheville ouvrière multitâche, donc, relais entre la tête de réseau et le terrain.
Un terrain qui fait office d’open-space pour ce personnage clé, dont le véhicule est souvent aussi le bureau. Dans la majorité des réseaux (33 %), les animateurs rendent visite une fois par mois à chaque nouveau franchisé, pendant toute sa première année d’activité. Et certains (20 %) vont même au-delà, avec plus d’une visite par mois. A compter du deuxième exercice, les rendez-vous s’espacent, se limitant à un par trimestre (dans 34 % des cas), voire moins que cela (dans 25 % des réseaux).
En marge de ces visites officielles, 181 enseignes, soit précisément la moitié de celles que nous avons interrogées, révèlent avoir aussi recours aux services de clients mystères, chargés d’aller mesurer la qualité de l’accueil, du cadre, des produits et globalement de l’expérience client vécue dans chaque point de vente.
Les secteurs de la restauration rapide ou à thème, du chocolat, de la réparation automobile, de la fleur (comme l’enseigne Happy en photo ci-contre), de la beauté, de l’hôtellerie ou de l’optique s’avèrent particulièrement friands du procédé. Pour motiver les franchisés et leurs équipes, 212 têtes de réseaux (58,5 %) organisent par ailleurs entre eux des challenges, avec objectifs et récompenses.
Le dialogue entre la tête de réseau et ses adhérents, la transmission de nouvelles orientations, d’un état d’esprit, la remontée d’information, l’expression éventuelle de réserves, sinon de critiques, passent aussi par l’organisation de réunions communes, régionales ou nationales.
D’après notre enquête, 72 % des enseignes se plient au premier exercice, et 85 % au second. « Ces rencontres sont un minimum !, réagit Laurent Delafontaine. Nous parlerons en 2016 de présence d’un Intranet (ou plate-forme collaborative), ce dernier présentant en ligne un annuaire, les manuels opératoires, un blog, un moteur de recherche, les catalogues produits, les BAT marketing… Certains franchiseurs mettent aussi en place des solutions de e-learning, des visioconférences sur la découverte de nouveaux produits, etc. », souligne le consultant. De fait, selon notre enquête, 62,5 % des chaînes s’appuieraient à ce jour sur un espace collaboratif en ligne ou sur un réseau social d’entreprise.
Des réseaux sociaux que les enseignes sont parallèlement de plus en plus nombreuses à utiliser pour booster leur notoriété, faire la promotion de leurs produits et services et in fine attirer la clientèle. Seules 28 de celles qui nous ont répondu (7,5 %) avouent ne pas y être du tout présentes encore, les 333 qui le sont partageant essentiellement leurs efforts entre Facebook et Twitter.
Alors certes, comme le pointe Laurent Delafontaine, « les enseignes de franchises sont en retard sur les réseaux sociaux, comparé aux chaînes succursalistes », mais l’écart semble peu à peu se combler. Une excellente nouvelle pour les franchisés, qui doivent y voir un moyen supplémentaire de faire parler de leur marque et connaître leur offre.
L’ensemble de ces services apportés par la tête de réseau à ses membres a un coût. Ne serait-ce que celui des salaires des animateurs ou formateurs. Ou celui de l’organisation des réunions, commissions et autres grands messes nationales. Ou encore celui de création et d’entretien d’un site Internet performant. Sans compter les investissements consentis dans l’assistance technique, juridique ou administrative apportée aux franchisés, et le travail de recherche et développement mené par la tête de réseau pour faire évoluer son offre et son concept…
Les enseignes font peser une partie de ces frais de fonctionnement sur leurs adhérents. Certaines, une minorité (14 %), choisissent de se rémunérer grâce à leur marge produits fournis au réseau. Les autres perçoivent de leurs adhérents des redevances. Celles-ci peuvent être fixes ; elles sont le plus souvent proportionnelles au chiffre d’affaires. Dans d’assez rares cas mixtes, et parfois aussi dégressives. Chez les enseignes adeptes de la “proportionnelle”, le taux le plus souvent retenu est de 5 % (57 réponses) ; elles sont relativement nombreuses aussi à s’être calées sur des taux de 4 % (33) ou de 3 % (24). Les plus exigeantes montent à 7 ou 8 % mais elles ne sont pas légion, tandis qu’une poignée se contente de moins de 1 % du CA de chaque entreprise membre.
A ces royalties, s’en ajoutent souvent d’autres, dites de publicité nationale et destinées à financer les efforts de communication de la marque. Celles-ci sont globalement moins élevées, inférieures ou égales à 2 % pour 143 têtes de réseaux, soit la moitié de celles qui les pratiquent.
Attention toutefois à ce qu’elles ne soient trop faibles, prévient Laurent Delafontaine. « Je ne vois pas ce que l’on peut attendre d’une redevance inférieure à 1 %. Si je prends le secteur très concurrencé de la restauration rapide, avec un chiffre d’affaires à 400 k€ pour 60 unités en franchise, cela fait un revenu de 240 k€ pour la tête de réseau. Entre le salaire du responsable marketing (minimum 60 k€ chargés), le travail créatif de l’agence de communication (environ 40 k€), il reste 140 k€ pour les campagnes Adwords, l’achat d’espaces publicitaires off-line, l’événementiel, le community management… C’est vraiment un budget serré », estime le consultant. Mettant ici le doigt sur axiome à garder à l’esprit dès lors que l’on parle de franchise : payer moins n’est pas forcément gagner plus !