Les montants d’investissement initial à prévoir pour se lancer en franchise sont extrêmement variables d’une activité à l’autre : de 20 000 euros dans les services à plus de 480 000 euros hors local dans les solderies. L’apport personnel requis tourne toujours autour de 30 % du total.
« En faisant le total des postes requis pour votre concept, à combien se monte l’investissement initial hors local pour le franchisé ?” Telle est la question que nous avons posée aux têtes de réseaux en 2016. Logiquement, les franchises réclamant les investissements les plus légers sont celles qui nécessitent peu ou pas de stock, d’agencement et d’équipement matériel, voire pas de local du tout. Comme par exemple le dépannage informatique à domicile (19 000 € d’investissement initial minimum moyen), la publicité (20 000 €), l’achat-vente de voitures d’occasion (20 240 €), le conseil aux PME (37533 €), la recharge de cartouches d’encre (38 250 €), l’entretien de la maison (39 167 €), les multiservices à la personne (41 556 €), l’amincissement (43 750 €), les agences immobilières (47 400 €) et l’épilation (50 667 €).
A l’inverse, les plus exigeantes en capitaux sont celles qui demandent beaucoup de stock, d’agencement et d’équipement matériel, parfois sur de très grandes surfaces. Comme, par exemple, les solderies (483 333 €), la boulangerie/pâtisserie (454 286 €), les restaurants de cuisine française (450 000 €), les articles de sport (450 000 €), les restaurants grills (427 500 €), les restaurants de cuisine du monde (420 000 €), le bricolage (346 667 €), la puériculture (316 667 €) et la restauration rapide (271 500 €).
De 20 000 € à plus de 480 000 € d’investissement initial hors local, les montants à prévoir sont, on le voit, extrêmement variables d’une activité à l’autre. Mais comment savoir si ces coûts sont réellement justifiés, notamment lorsqu’ils sont très élevés, comme par exemple dans la restauration ?
Au moyen du business plan, répond l’expert-comptable Olga Romulus (Fiducial) : “Il permet, du moins au démarrage, de mettre en rapport ces investissements et la rentabilité attendue, pour voir si l’exploitation dégage le cash suffisant pour rembourser les financements que le franchisé a contractés. Même si une activité de services demande moins d’investissement qu’une activité de production, il faut toujours mettre ces montants en rapport avec la rentabilité de l’affaire : sur des investissements qui vont atteindre voire dépasser 500 000 € hors local, le franchisé a intérêt à ce que le modèle économique tienne la route en termes de chiffre d’affaires”.
Et comment déterminer le chiffre d’affaires prévisionnel ? Grâce à une étude de marché, répond Daniel Ballester, responsable secteur franchise au CIC : “Elle est malheureusement très souvent négligée par les candidats. Or aujourd’hui, une étude de marché locale de qualité permet de justifier les investissements et de garantir les débouchés. Dans leur analyse, les banques apprécient de disposer d’une étude. Qu’elle soit faite par un cabinet spécialisé ou par le franchisé avec l’aide du franchiseur sur certains éléments, c’est vraiment un point essentiel pour pouvoir accompagner le porteur de projet”.
Olga Romulus se dit, elle aussi, “surprise de voir que beaucoup de franchisés ne font pas l’effort d’investir dans une véritable étude de marché, alors même que les investissements requis par leur projet sont conséquents”.
Pour une étude avec un chiffre d’affaires à trois ans, il faut prévoir une enveloppe d’environ 3 000 €, à rapporter par exemple aux 300 000 € nécessaires pour se lancer dans la restauration. “Au vu de l’investissement global, cela vaut le coup de payer 1 000 € de plus pour avoir une étude comparative si l’on hésite entre deux emplacements, ajoute le consultant Franck Berthouloux (Adventi Franchise). Certains franchisés le font parce qu’ils hésitent, par exemple, entre deux cellules qui s’offrent à eux dans tel ou tel centre commercial. C’est comme lorsque l’on décide de faire du home staging dans une maison à vendre : on se prive d’une partie du montant de la vente, mais on se donne plus de chances de réussir.”
“Se lancer en franchise reste un investissement patrimonial, rappelle Franck Berthouloux. On engage sa famille, on est vite rattrapé par la réalité à travers ses échanges avec l’expert-comptable et le banquier. Donc, à un moment donné, le rapport entre ce qu’on investit et son retour sur investissement, ou a minima son retour sur apport personnel, doit être cohérent.”
Mais c’est au futur franchisé de faire le choix d’investir ou pas, souligne le consultant : “Pour sortir un peu des chiffres, si j’investis dans un concept de restauration, cela veut dire qu’en termes de management, je me sens les épaules solides pour aller gérer des équipes au quotidien. Et l’on sait que dans la restauration c’est compliqué ! Mais voilà : moi, ce qui me fait vibrer au quotidien, c’est de manager, donc je m’en sens capable, j’ai le niveau d’apport personnel requis, et du coup, je prends le risque, mais en connaissance de cause”.
Au vu de la légèreté des enveloppes globales requises par certaines activités, entre 20 et 50 000 euros hors local, une question vient à l’esprit : “Est-ce qu’on peut bien gagner sa vie en investissant aussi peu ?” Oui, répondent les experts. Par exemple dans l’achat-vente de voitures d’occasion, qui ne demande que 20 240 € d’investissement initial hors local en moyenne. Selon l’avocate Monique Ben Soussen (Cabinet BSM), voilà un métier qui peut marcher vraiment très bien, du moins quand le franchisé est déjà un professionnel de l’automobile.
Autre exemple, cité par Franck Berthouloux, le courtage en crédit immobilier : “Vous y démarrez seul parce que c’est ce que le modèle prévoit, vous constituez progressivement une équipe et vous vous développez parce qu’il s’agit d’un marché mature, avec des acteurs sérieux. Donc oui, potentiellement, vous pouvez très bien gagner votre vie pour un investissement qui ne va pas chercher loin”. Selon notre enquête, l’enveloppe initiale hors local à prévoir pour se lancer dans le courtage en crédit s’élève à 60 500 € en moyenne.
Mais tous les franchisés ne recherchent pas seulement de la rentabilité : certains veulent d’abord s’épanouir dans leur projet d’entreprise, précise le consultant. Par exemple dans les services à la personne, où les marges sont le plus souvent réduites. “A un moment donné, explique Franck Berthouloux, certains gagnent moins bien leur vie en tant que franchisé que comme salarié, comme le révèle l’enquête annuelle sur la franchise. Mais une partie d’entre eux vise un investissement patrimonial et un épanouissement personnel. Bref, tout autre chose que de la rentabilité pure.”
Outre le chiffre d’affaires, que l’on détermine grâce à une étude de marché, et la rentabilité, que l’on évalue au moyen du business plan, les montants d’investissement doivent aussi être mis en rapport avec un troisième élément : “la valeur à la revente, c’est-à-dire le fonds de commerce”, précise Olga Romulus. “Certains franchisés, par exemple dans la restauration, pensent qu’ils vont capitaliser et qu’à la revente, ils vont partir avec beaucoup d’argent ; mais ce n’est pas aussi simple, met en garde Monique Ben Soussen. Parce qu’on ne sait pas du tout comment aura évolué le marché au moment de la revente. De plus, il existe dans les contrats de franchise des clauses qui rendent la cession plus compliquée. Donc, en réalité, pour vraiment toucher le jackpot au moment de la vente, il faut avoir beaucoup de chance.”
Daniel Ballester fait le point sur la question : “Evidemment, une valorisation du fonds de commerce a souvent lieu. Mais la problématique de la revente, est de trouver un équilibre entre la valeur à laquelle le franchisé sortant va céder l’affaire et celle qui permettra au futur franchisé de dégager une rentabilité”. “Pour la valorisation d’un fonds de commerce, il existe de vrais fondamentaux (comme l’emplacement ou la qualité de l’équipe en place) qu’il ne faut pas oublier simplement parce que l’on est franchisé”, complète Olga Romulus.
Nous avons aussi demandé aux têtes de réseau : “De quelle somme d’argent votre futur partenaire doit-il disposer au minimum pour rejoindre votre réseau ?” Cet apport personnel, indispensable pour pouvoir solliciter un emprunt, est logiquement proportionnel à l’investissement initial requis.
Les montants d’apport les plus bas sont donc demandés par les métiers où l’enveloppe globale est elle-même réduite : le dépannage informatique à domicile (6 495 € en moyenne), l’achat-vente de voitures d’occasion (9 240 €), la recharge de cartouches d’encre (11 000 €), la publicité (13 800 €), l’entretien de la maison (14 433 €), l’amincissement (15 063 €), les multiservices à la personne (17 313 €) et le conseil aux PME (17 400 €).
Et les activités où les investissements sont les plus lourds demandent les apports les plus élevés : les jardineries (266 667 € requis), les solderies (166 666 €), les restaurants grills (158 571 €), le bricolage (128 333 €), la boulangerie/pâtisserie (128 333 €), les restaurants de cuisine du monde (125 000 €), les bars à thème et brasseries (116 250 €), les articles de sport (115 000 €), la puériculture (113 333 €), les restaurants de cuisine italienne et française (110 000 €) et la restauration rapide (105 500 €).
Véritable outil de sélection pour les franchiseurs, l’apport personnel est à la fois un critère permettant de solliciter un financement bancaire et une condition pour se lancer avec les meilleures chances de réussite, comme l’explique Daniel Ballester : “Les modèles sont validés avec un niveau d’apport personnel, la rentabilité du concept a été démontrée avec ce niveau d’apport. En dessous de ce niveau, la rentabilité peut être dégradée”.
Généralement, les pôles franchise et commerce associé des banques demandent au candidat un apport personnel représentant environ un tiers de l’investissement global. Les franchiseurs ne font que répercuter cette exigence, comme le constate Olga Romulus : “Le réflexe des 30 % est aujourd’hui bien intégré par les réseaux”, confirme l’expert-comptable.
Mais pourquoi ce ratio de 30 % ? “Ce n’est pas pour contrarier les futurs franchisés, mais pour qu’ils puissent engager leurs projets de manière sereine et pour leur laisser une marge de manœuvre, explique Daniel Ballester. On base effectivement le développement sur un prévisionnel qui n’est qu’une hypothèse. Prévoir ce niveau d’apport personnel permet de réduire la dette financière, réduire le coût des crédits et apporter un peu de souplesse au franchisé.”
Reste que le niveau d’apport personnel peut varier, en lien avec le montant de l’investissement initial : sur une enveloppe d’un million d’euros, la règle des 30 % aboutit à des sommes difficilement modélisables. Dans ce cas, les banques demandent plutôt 20 à 25 %. Dans les métiers où le stock et le besoin en fonds de roulement (BFR) sont importants, comme les services à la personne, elles demanderont à l’inverse un apport personnel plus conséquent, jusqu’à 40 % environ.