La question du choix de l’emplacement doit-elle être posée différemment devant le contexte incertain qui s’offre aux futurs entrepreneurs ? Peut-être pas, répondent les experts. Voici leurs explications en détails.
Comment bien choisir son emplacement pour votre franchise ?
Knight Franck, la société de conseils spécialisée en immobilier d’entreprise, l’a affirmé fin janvier 2021 : « Le potentiel de croissance du parc français des commerces se réduit. » Elle en voulait pour preuve « la multiplication des opérations d’optimisation menée, l’an passé, par les enseignes. » Conséquence pour 2021, poursuit-elle : « Le contexte se révèle moins favorable à la commercialisation de nouvelles surfaces commerciales et au développement de nouveaux projets. » L’année 2020 en avait déjà donné un avant-goût : tous formats confondus (centres commerciaux, retail-parks, centre-ville, centres de marques etc.), un peu plus de 420 000 m2 ont été inaugurés en 2020 en France métropolitaine, soit une chute de 42 % par rapport à̀ 2019.
Une raison suffisante pour que les candidats à la franchise enterrent définitivement leur projet ? Non ! C’est encore Knight Franck qui nous le dit, par la voix d’Antoine Grignon, son directeur du département Commerces : « L’incertitude reste élevée, mais les raisons d’espérer existent, d’autant que chacune des deux périodes de confinement de 2020 s’est accompagnée d’un retour important des consommateurs en magasin, soulignant la propension des Français à consommer, ainsi que leur attachement au commerce physique. »
Quelle typologie d’implantation privilégier ?
Son projet d’entreprise nourri – ou en phase de concrétisation –, l’entrepreneur en franchise doit alors soigneusement choisir son implantation. Trois grandes typologies s’offrent à lui.
1/ Le centre-ville. « Leur attractivité reste forte », affirme Aurélien Tert, cofondateur du site unemplacement.com, opposant, par la même, un démenti cinglant « à ceux qui pensent, à tort, que la crise du virus signe la fin de l’urbanisation. » Aussi, les emplacements en centre-ville restent appréciés par les collectivités car la franchise « offre au paysage commercial de la ville à la fois de la diversité et du dynamisme. »
2/ Les zones périphériques. Leurs avantages ? Disposer d’un parking de stationnement pour le confort des consommateurs et proposer de vastes locaux commerciaux qui ont, en outre, fait l’objet d’une construction neuve et qui sont, par conséquent, commercialisés en location pure.
3/ Les centres commerciaux. Bénéficiant, eux aussi, d’un grand parking gratuit pour faciliter l’accès de ses visiteurs, ils sont en majorité situés à l’extérieur des villes. « Il existe une poignée de bailleurs de centre commerciaux en France et l’implantation y est aisée car il y a peu d’interlocuteurs, écrivions-nous sur notre site en novembre 2019. Pour accéder à ces locaux, il est demandé au futur franchisé de régler un loyer, des charges, et des redevances qui peuvent êtres indexées sur le niveau de chiffre d’affaires. Les centres commerciaux sont également en mesure de vous donner une idée précise du flux client et du potentiel de captage de leur zone de chalandise. »
« Certes, la crise impacte plus durablement certains secteurs d’activité, mais elle n’a pas modifié les paramètres à prendre en compte le moment venu de choisir son emplacement. »
Aurélien Tert
Ne pas raisonner à chaud face à la crise !
Indépendamment de la crise pandémique et de ses conséquences pour choisir l’emplacement de son futur commerce, « lorsque l’on souhaite se lancer en franchise, la question du trafic reste le premier point crucial à intégrer », soutient Aurélien Tert. Et de marteler : « Certes, la crise impacte plus durablement certains secteurs d’activité, mais elle n’a pas modifié les paramètres à prendre en compte le moment venu de choisir son emplacement. » « Les fondamentaux demeurent, corrobore Antoine Amant, directeur du développement du portail BureauxLocaux. Il faut faire attention à ne pas choisir son emplacement sous le seul prisme de la crise sanitaire. Il ne faut pas raisonner à chaud. Lorsque l’on se lance dans le commerce, c’est sur le long terme, c’est-à-dire neuf ans ou plus. Avec donc cette première question à se poser : quel est le niveau de flux de mon emplacement en temps normal ? A quel point est-il captif pour mon commerce ? » Pour le mesurer, plusieurs outils sont mis à disposition des futurs entrepreneurs. On pense, bien sûr, aux relevés que peuvent mettre à disposition les services en mairie ou les associations de commerçants. Mais des outils se révèlent plus pointus encore, à l’instar du site mytraffic.fr, qui calcule les flux de piétons pour les commerces et les villes.
« Il faut faire attention à ne pas choisir son emplacement sous le seul prisme de la crise sanitaire. Il ne faut pas raisonner à chaud. »
Antoine Amant
Piétons : l’indispensable calcul des flux
Olivier Borreda, responsable du développement en France de la franchise Amorino (glaces artisanales italiennes), confiait, le 23 novembre 2020 à notre confrère Provence Business, avoir recours aux services de la start-up mytraffic.fr pour optimiser l’implantation de son réseau. « Les données utilisées sont multiples, relevait-il, et correspondent à l’intensité de fréquentation, la provenance, le taux de pénétration ou encore les données sociodémographiques des individus. » Et d’ajouter : « Le partenariat avec mytraffic est un véritable levier de croissance en termes de développement pour l’enseigne. (…) En s’appuyant sur les performances de notre réseau actuel et en regroupant les données chiffrées de la plateforme, nous avons pu identifier de nouveaux potentiels d’ouverture. » Ne pourrait-on pas aller plus loin en intégrant les flux de piétions – et de véhicules – dans le calcul des loyers ? C’est ce que veut croire Hakim Saadaoui, CEO de mytraffic, qui affirmait, en décembre 2020, sur la chaîne SIEC live : « L’outil est, en tout cas, pertinent pour mesurer l’impact des confinements [et apparaît comme] une solution objective pour avoir des négociations plus saines [entre bailleurs et commerçants] ».
Bien surveiller les marchés de bureau et résidentiel
Nonobstant, toujours, les incertitudes qui planent sur le plan de la conjoncture, d’autres critères doivent être pris en compte pour bien choisir son emplacement, à savoir « l’évolution démographique de la zone ; puis sa croissance économique ; et la qualité de ses transports et projets d’infrastructures », affirme Antoine Amant. Avant d’appuyer : « Tout est affaire de flux, il est donc important d’évaluer l’ampleur et les tendances des marchés résidentiel et de bureau de la zone. Si elles sont positives, la dynamique de l’activité commerciale suivra ». Et notre expert chez BureauxLocaux de pointer les secteurs géographiques les plus dynamiques pour le commerce en 2020 (sans changement notoire par rapport à 2019) : la région parisienne, les agglomérations de Lyon, Marseille, Bordeaux, Nantes et Toulouse. « Les recherches de locaux commerciaux se sont globalement intensifiées en France, ajoute-t-il, et notamment dans les villes du Sud, avec, par exemple, des progressions à Bordeaux et Toulouse de respectivement 25 % et 40 % versus une année plus tôt. » Un élément, en revanche, n’a pas évolué entre 2019 et 2020 : les prix des loyers affichés sur les portails d’annonces.
Autre conseil prodigué par les experts pour bien choisir son emplacement : se faire accompagner par des professionnels de l’immobilier commercial, c’est-à-dire les agences immobilières spécialisées. Ce sont elles qui connaissent le mieux le tissu commercial qui est propre à chaque ville, à chaque quartier, à chaque rue. « C’était déjà le cas avant la crise. Et c’est encore plus vrai aujourd’hui », observe Antoine Amant.
Quels éléments d’ajustement à intégrer ?
Si, comme nous l’avons vu, les fondamentaux demeurent pour sélectionner son emplacement, des éléments d’ajustement sont toutefois à prendre à compte, cette année, à cause du contexte pandémique. La variable « touriste », notamment, doit être intégrée, même si elle ne concerne que le court et le moyen terme (le retour des touristes, en Europe, ne se ferait que progressivement, selon des données Knight Franck, avec un retour à un taux de croissance par rapport à n-1 pas avant 2025). Ici, ce sont essentiellement (et naturellement) les grandes villes, avec Paris en tête, et les grands pôles touristiques hexagonaux qui sont concernés. La preuve : alors qu’à Beauvais, nous informe le site mytraffic, le flux de clientèle retrouva son niveau normal une fois levé le deuxième confinement de novembre 2020, la rue de Rivoli, à Paris, ne retrouva, à la même période, que 60 % de son trafic normal d’avant Covid-19.
Une autre variable devrait, en revanche, s’inscrire dans la durée : celle qui concerne le télétravail. « Nous sommes ici face à un changement qui est plus structurel, car une partie du télétravail perdurera sans aucun doute », affirme le directeur du développement de BureauxLocaux. Aura-t-il un impact sur le choix de mon futur emplacement ? « Certainement, surtout dans les quartiers d’affaires, comme le Quartier Central d’Affaires (QCA) à Paris ou le quartier de La Défense », reprend-il. Considérant le taux de télétravailleurs qui devrait s’y ancrer à l’avenir, on peut estimer qu’un transfert des commerces se fera depuis ces zones d’affaires vers les secteurs résidentiels de la Capitale, là ou précisément le flux demeure – voire s’intensifie. Et Aurélien Tert de conclure : « Est-ce que, sur la question du choix de mon emplacement, la crise sanitaire va-t-elle rebattre les cartes en profondeur ? Je ne le crois pas. Une fois celle-ci passée, nous retrouverons nos habitudes de consommation. »
La restauration à la relance ?
Nombre d’observateurs du commerce font ce constat : malgré la crise que traverse le secteur, les emplacements pour les activités de restauration restent toujours très recherchés par les porteurs de projets. A titre d’exemple : ils concentrent 45 % des recherches réalisées sur le site unemplacement.com. Son cofondateur, Aurélien Tert, l’affirme : « Ce secteur continue d’intéresser de nombreux cadres, notamment les quadragénaire en reconversion », et notamment ceux que la crise, liée à la pandémie, aura mis au chômage. Leur motivation ? Lancer une affaire sur un secteur qui, forcément, retrouvera courant 2021 sa superbe d’antan. « La crise passé, la restauration va repartir en flèche », prédit en ce sens Aurélien Tert.