Pour devenir franchisé ou coopérateur, créer n’est pas la seule option envisageable : il est aussi possible de reprendre une affaire existante. Les opportunités de reprise devraient même se multiplier dans les années qui viennent.
Créer ou reprendre ? Telle est la question, pour qui veut rejoindre une enseigne du commerce indépendant organisé, qu’elle soit développée en franchise ou en coopérative. En effet, plus une chaîne compte d’unités sur le territoire français, plus les opportunités de création dans une ville se font rares. A l’inverse, plus le réseau a d’ancienneté, plus la probabilité augmente pour que des membres, franchisés ou adhérents, en sortent, notamment pour faire valoir leurs droits à la retraite. C’est ainsi le cas chez Ada, enseigne de location automobile née en 1984, qui compte 250 agences franchisées en France (et 750 en licence de marque). « Notre objectif est de rester le réseau N°1 en France, c’est-à-dire de maintenir le réseau existant et de le développer sur les zones où nous ne sommes pas suffisamment présents, explique son directeur général Edwin Prache. Aujourd’hui, sur la partie « activité principale » (en franchise, Ndlr), le réseau est stable et un de nos enjeux est la reprise d’agences gérées par des franchisés qui en sortent, pour partir à la retraite par exemple, car cela fait 40 ans qu’Ada existe ». En 2024, l’enseigne prévoit ainsi « 5 à 10 renouvellements d’agences principales ».
« Il existe un enjeu très fort autour de la transmission et de la reprise aujourd’hui et pour les dix prochaines années, confirme Olivier Urrutia, Délégué général de la Fédération du Commerce Coopératif et Associé (FCA). En effet, tous les chiffres de l’Insee, et notamment les chiffres compilés pour CCI France le disent : nous avons atteint un pic démographique qui fait que, dans les dix prochaines années, entre 25 et 30 % des points de vente, toutes formules confondues, vont être en situation de reprise. Or les adhérents de la FCA représentent à eux seuls 52 000 points de vente : 25 à 30 % de ce total sera donc à reprendre dans les dix prochaines années. C’est absolument colossal et c’est d’ailleurs un enjeu très fort pour les réseaux d’enseignes coopératives ou associés, qui souhaitent évidemment protéger leur parc et le développer. Mais aussi pour des personnes, jeunes et moins jeunes, qui ont envie de faire le choix de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale sous un statut d’indépendant, parce que les opportunités vont être probablement beaucoup plus importantes ».
De nombreuses opportunités
Créée en 1985, l’enseigne de terminaux de cuisson La Mie Câline compte près de 245 magasins en France. « En 2023, nous avons signé 17 contrats de franchise et vu naître 8 nouvelles La Mie Câline un peu partout en France, avec aussi des reprises de magasins, puisque le réseau a aujourd’hui de près de 40 ans, explique Sylvia Touboulic Barreteau, Responsable Pôle Franchise. Donc il faut remplacer nos franchisés qui partent en retraite : c’est pourquoi nous avons intégré de nouveaux franchisés qui ont repris une dizaine de magasins l’année dernière. Nous sommes plutôt satisfaits du rythme de notre développement, parce qu’il faut absorber ce turnover naturel de franchisés et, en parallèle, continuer à créer des nouveaux points de vente : ces objectifs ont été atteints en 2023 ». Née en 1974, la chaîne de restaurants grills La Boucherie aligne pour sa part 140 restaurants environ. Jacky Barreteau, son Directeur développement franchise, le reconnaît volontiers : « Nos projets de développement, c’est à la fois de pérenniser le réseau, en conservant sous enseigne les restaurants mis à la vente par nos franchisés, soit avec de nouveaux candidats, soit avec des franchisés déjà en place désireux de continuer leur développement au sein du groupe. Mais aussi bien évidemment, de créer de nouveaux établissements ».
Ainsi, les opportunités de reprise sous enseigne La Boucherie tournent « autour de 3 à 4 établissements par an, correspondant à une population plutôt senior de nos franchisés, qui ont déjà renouvelé leur contrat une fois, ce qui veut dire qu’ils sont là depuis plus de quinze ans, souligne Jacky Barreteau. Ceux qui n’ont pas forcément d’enfants susceptibles de reprendre sont désireux de revendre, et souhaitent que l’établissement garde l’enseigne. Côté candidats, certains sont également rassurés de reprendre une unité avec un chiffre d’affaires et une clientèle existante. »
Des avantages au démarrage
C’est en effet l’un des avantages de reprendre une entreprise en franchise, confirme Rose-Marie Moins, Directrice Développement et Animation de la Fédération Française de la Franchise (FFF) : « Par rapport à une création, le candidat à la reprise peut s’appuyer sur l’historique de l’activité telle qu’elle a été menée depuis la création, donc reprendre un business qui tourne, avec cette visibilité sur la performance du point de vente et une équipe formée, qui connaît le métier. Même si c’est un secteur nouveau pour lui, le franchisé est tout de suite épaulé et soutenu, ce qui peut le booster plus rapidement et le faire monter en compétence assez facilement. » Rassurante pour certains candidats, la reprise l’est aussi, au moins en partie, pour les banques sollicitées par le porteur de projet pour obtenir un financement. « A condition, comme pour une création, que le futur repreneur ait la carrure pour mener à bien le projet, nuance Rose-Marie Moins. Même si le terrain est un peu préparé, cela reste de la gestion d’entreprise, d’autant que l’investissement peut être plus élevé que pour une création, car il faut racheter un fonds de commerce valorisé. Si cette condition est remplie, dans la mesure où la franchise rassure les banquiers, ils seront doublement rassurés s’il s’agit de reprendre un business qui fonctionne ».
Des contraintes à connaître
Reprendre une agence, un magasin ou un restaurant en franchise présente certes des avantages, mais une telle opération comporte aussi certaines contraintes qu’il importe de bien mesurer avant de se lancer. « Je dis toujours que la reprise est une partie de billard à trois bandes entre le cédant, le repreneur et le franchiseur, résume Rose-Marie Moins. En effet, le franchiseur a un droit de validation sur la personne qui reprend, donc sur l’opération de manière générale. Cela veut dire que le cédant ne peut pas faire l’opération dans son coin, et que le candidat ne peut pas signer de rachat sans passer par la case franchiseur, qui validera son profil comme il fait pour celui de tout candidat ». Outre ce droit de validation (ou d’agrément), le franchiseur dispose aussi d’un droit de préférence (ou de préemption), qui lui donne la possibilité « de racheter en priorité un magasin que son franchisé souhaite céder à un prix de marché, explique Rose-Marie Moins. Concrètement, le cédant soumet l’offre de reprise au franchiseur qui a un mois, ou deux, pour dire s’il est intéressé pour devenir acquéreur ». Ce dispositif est surtout destiné à empêcher des reprises d’emplacements sans enseigne, éventuellement par un concurrent.
Dans le cadre d’un groupement, les contraintes sont moindres, mais le candidat à la reprise doit tout de même respecter certaines étapes. « Au sein du commerce coopératif et associé, il n’existe pas de droit inaliénable de préemption mais il existe tout de même des dispositifs de sécurisation des réseaux, indique Olivier Urrutia. Par exemple, le cédant doit généralement informer la coopérative de son désir de céder son magasin. Et la tête de réseau a la possibilité, à offre équivalente, d’avoir la priorité sur la reprise du point de vente, pour le garder dans le réseau. Soit pour faire du portage, en attendant de trouver un repreneur au sein du réseau ou à l’extérieur, soit plus souvent directement au bénéfice d’un membre du réseau qui souhaite se porter acquéreur. Il existe donc des dispositifs de sécurisation, mais il n’y a pas de contrainte incontournable pour le cédant. » Par ailleurs, « rien ne contraint le repreneur à rentrer dans le groupement coopératif ou associé, poursuit-il. S’il le souhaite, il doit en faire la demande et il faut que cette demande soit acceptée par le groupement. Car, quand vous rentrez dans un groupement, vous achetez des parts sociales de la coopérative qui vous confèrent des droits politiques réels ; vous devenez copropriétaire de l’enseigne. Cela vous permet d’être co-détenteur du pouvoir de gouvernance de cette dernière, sur le modèle démocratique d’entreprise « une personne = une voix ». Le groupement s’assure donc que la nouvelle personne physique qui dirige le point de vente repris saura prendre la mesure des attendus d’un adhérent en termes d’implication et de valeurs ».
Comment estimer la valeur du fonds de commerce ?
La valorisation du fonds de commerce cédé par un franchisé sortant à un nouveau franchisé suit des règles définies selon le secteur d’activité, et ne doit être ni sous-évaluée, ni surévaluée. « En théorie, le franchisé propriétaire de son fonds de commerce décide du prix de cession, souligne Rose-Marie Moins. Mais dans les faits, le franchiseur vérifie quand même si ce prix n’est pas surévalué, car cela présente le risque que le franchisé qui reprend, trop endetté, ait du mal à rembourser son emprunt, voire à faire progresser le chiffre d’affaires. Il faut que tout le monde s’y retrouve, car le montant retenu doit aussi valoriser le travail fourni par le franchisé cédant. »