Si dans son parcours le candidat à la franchise peut s’appuyer sur le franchiseur, sur son avocat et sur son expert-comptable, il ne peut faire l’économie d’une implication personnelle forte.
« Connais-toi toi-même.” La célèbre injonction de Socrate vaut pour tout entrepreneur avant qu’il ne se lance. Ceci est particulièrement vrai dans le cadre de la franchise. “Il faut avant tout se demander si, en tant que candidat, je suis fait pour créer une entreprise, prévient Olivier Deschamps, avocat au sein du cabinet D,M&D. Je vois trop de personnes vouloir se lancer dans la franchise uniquement car ils se trouvent au chômage depuis deux ans. Ils estiment qu’il s’agit du seul moyen pour eux de s’en sortir. Il faut avoir bien conscience qu’au moins au cours de la première année, les revenus peuvent être faibles. Et donc, il convient de se demander si sa situation personnelle et familiale peut le permettre.”
Par ailleurs, trop souvent les candidats à la franchise s’orientent vers des secteurs uniquement du fait de leur rentabilité potentielle, sans se demander s’ils ressentent une véritable appétence pour l’activité. Une certaine adéquation entre le franchisé et le concept s’avère pourtant nécessaire. Il est de bon conseil de demander au franchiseur, avant de s’engager, de passer deux ou trois jours dans le réseau. Cela donnera au postulant une idée concrète du métier.
Les premières rencontres avec le franchiseur sont, bien entendu, déterminantes. “Un réseau déjà très implanté aura toute latitude dans le choix des candidats, estime Pascale Pécot, consultante chez Adventi Franchise. Ces derniers seront alors davantage dans une attitude de séduction à son égard. A l’inverse, un franchiseur qui a développé récemment son concept va devoir convaincre des entrepreneurs de le suivre.”
Le candidat à la franchise ne doit pas oublier qu’il est un futur chef d’entreprise, qu’il doit gagner sa vie et faire vivre son affaire. Il ne doit donc pas hésiter à interroger le franchiseur sur la rentabilité, les charges, les rémunérations moyennes dans le réseau, le retour sur investissement, etc.
Au vu des diverses redevances, il devra questionner la tête de réseau sur les services et prestations qu’il sera en droit de recevoir en retour. Il se doit d’obtenir toutes les réponses à ses questions. Assez rapidement, le postulant doit savoir comment fonctionne l’enseigne dans ses différentes dimensions. Il va également s’interroger sur son propre intérêt à rejoindre la chaîne et ce que cette dernière pourra lui apporter.
Toutes les questions sont bonnes à poser lorsque l’on va engager son avenir et mettre de l’argent personnel dans une entreprise. Par exemple, le fait de savoir précisément combien de franchisés ont quitté le réseau et pourquoi. “Selon moi, il n’est absolument pas gênant qu’un franchiseur explique qu’il s’est trompé dans le recrutement. C’est même rassurant de se dire que sa tête de réseau peut se remettre en question et avance des explications claires quant aux difficultés qu’il a pu rencontrer. Le futur franchisé doit ressentir une impression de transparence”, poursuit Pascale Pécot.
Dans son parcours le menant au métier de franchisé, le candidat ne pourra faire l’économie de rencontres avec des membres de la chaîne convoitée. Il discutera notamment avec eux de la rentabilité du concept ou encore des forces et faiblesses de l’enseigne.
Il peut, certes, être intéressant de savoir pourquoi les franchisés ont quitté le réseau : problèmes de santé, retraite, désaccord avec le franchiseur, difficultés financières. Mais il est préférable, en priorité, de contacter les partenaires en activité. “Il vaut mieux prévenir le franchiseur que l’on souhaite rencontrer tel ou tel partenaire. S’il convient de n’être pas trop intrusif avec ces derniers, il est utile de leur poser des questions quant à l’état d’esprit du réseau, les relations avec le franchiseur, le mode de management”, souligne Philippe Dassié, consultant chez Franchise Connexion. “Il faut aussi savoir qu’en fonction de leurs propres résultats, tous les franchisés en place ne tiendront pas forcément un discours de la plus grande transparence. Toutefois, si plusieurs partenaires donnent de bons échos, il s’agit clairement d’un signal positif”, note pour sa part Pascale Pécot (Adventi Franchise).
Suite aux premiers entretiens, et si les deux parties décident de poursuivre l’aventure de concert, la tête de réseau remettra le DIP (Document d’information précontractuelle) au candidat, et ce, au minimum 20 jours avant la signature du contrat. “Il m’est arrivé de lire des DIP sans parvenir à savoir quelle était l’activité décrite ! Ce DIP doit être clair et parfaitement compréhensible, d’autant qu’il peut être demandé par le banquier”, poursuit Pascale Pécot. Il s’agit d’un outil de travail fondamental. “A partir du DIP, il faut véritablement mener sa propre enquête, en particulier sur les chiffres du franchiseur. Il faut se poser les bonnes questions : y a-t-il suffisamment de salariés chez la tête de réseau, notamment pour l’animation et le développement ? La formation proposée est-elle assez complète ?” avance Olivier Deschamps (avocat, D,M&D).
Une fois les éléments du DIP bien intégrés, le futur franchisé pourra élaborer son propre prévisionnel. Il ne s’en remettra pas à celui éventuellement remis par le franchiseur car le prévisionnel doit prendre en compte des éléments personnels comme la situation patrimoniale, familiale et le niveau souhaité de rémunération.
Pour établir son propre business plan, le postulant analysera les comptes d’autres franchisés, installés au sein de villes comparables, ainsi que ceux du franchiseur disponibles sur des sites comme Infogreffe. “Il faut que le candidat obtienne des comptes d’exploitation de franchisés, ce qui va lui permettre de valider certains éléments comme notamment le taux de marge et le retour sur investissement. Pour établir son business plan, il est fortement recommandé qu’il soit accompagné par un expert-comptable”, reprend Philippe Dassié (Franchise Connexion).
Le DIP contient également un état du marché local mais celui-ci peut être très succinct. “Le candidat doit impérativement avoir sa propre approche. Il devra collecter des renseignements à la Chambre de commerce et d’industrie, se mettre en relation avec des prescripteurs, dans le cas d’une société de service, interroger des clients potentiels. Il doit aussi étudier les implantations de la concurrence”, détaille le consultant. Il est certes recommandé que le futur franchisé mène lui-même cette étude de marché mais il sera plus sécurisant de se faire assister d’un professionnel qui possède notamment différentes bases de données.
Parallèlement à ces démarches, le postulant va travailler sur le contrat de franchise. Il en aura reçu les principaux éléments en annexe du DIP, ce qui va lui permettre une première analyse durant la phase légale de réflexion de 20 jours minimum instaurée par la loi Doubin avant de signer.
Il ne doit pas hésiter à soulever toutes les questions sur les clauses de ce contrat. Aucune zone d’ombre ne devra subsister. L’ensemble de ce qui a été dit et promis oralement par le franchiseur doit figurer dans le contrat définitif. Ce dernier doit être rédigé de façon compréhensible et non en jargon juridique et, idéalement, par un avocat spécialisé en franchise.
“Un bon contrat de franchise instaure les bases d’une relation gagnant/gagnant. Il est difficile d’imaginer un taux de marge assez bas au sein du réseau avec parallèlement un niveau de redevance élevé inscrit dans le contrat. L’ensemble doit être équilibré”, estime le consultant Christophe Bellet (Gagner en Franchise). A titre d’exemple, le contrat doit précisément définir en quoi consiste l’assistance avant, pendant et après l’ouverture. De même, les conditions de sortie doivent être bien claires. “Il faut, par exemple, que le franchisé s’assure qu’il puisse continuer son activité à l’issue du contrat si ce dernier n’est pas renouvelé”, indique Philippe Dassié (Franchise Connexion).
Autre préoccupation prioritaire pour le futur franchisé : la recherche de l’emplacement. Elle peut débuter une fois que le DIP est remis. Durant cette phase, et avant la signature du contrat de franchise, un contrat de réservation de zone est généralement conclu. Il prévoit un délai raisonnable pour que le candidat trouve son local. Ce contrat va ainsi protéger le franchisé mais aussi le franchiseur, au cas où le postulant ne mettrait pas assez d’énergie dans cette recherche.
Généralement, c’est au franchisé de trouver l’emplacement, même si certains réseaux lui prêtent assistance dans cette démarche (selon notre enquête de mai 2012, près de 4 enseignes sur 10 effectuent “parfois” cette recherche et plus de 30 % déclarent s’en charger, tandis que 28 % laissent leur futur partenaire trouver son local). “Dans une activité où l’implantation est stratégique, le franchisé doit fortement s’impliquer dans cette étape, même si le franchiseur a un service développement, reprend Christophe Bellet (Gagner en Franchise). Dans cette recherche, il faudra vraiment qu’il s’applique à respecter de A à Z le cahier des charges du franchiseur. Si ce dernier dit que la vitrine doit faire 6 mètres de large, elle ne devra pas en faire 4.”
Accéder à la franchise dans de bonnes conditions demande donc implication et réflexion lors de chacune des étapes. Le candidat optimisera ainsi ses chances de succès.
« Le fait d’avoir recours à un avocat va représenter environ 0,5 à 1 % de l’investissement global pour le candidat à la franchise. Cette dépense peut lui éviter bien des déconvenues. Cela va, par ailleurs, démontrer au banquier le sérieux du futur franchisé. L’avocat spécialisé en franchise va aussi apporter à son client sa bonne connaissance du marché. Il saura, par exemple, si tel ou tel réseau connaît des contentieux. Le client peut demander un forfait à l’avocat pour l’étude du DIP et du contrat.
La question absolument fondamentale est que le candidat ait parfaitement compris à quoi il s’engage au travers du contrat de franchise. Certains éléments comme la durée du contrat peuvent être revus à la demande du franchisé. S’il n’existe pas de piège à proprement parler dans les contrats, il est toutefois essentiel de bien appréhender les conséquences de chacune des clauses. A titre d’exemple, le franchisé peut avoir soit une exclusivité d’enseigne, soit une exclusivité d’enseigne et de produit. La différence est importante. S’il n’a pas l’exclusivité de produit, d’autres magasins multimarques pourront aussi commercialiser ses produits. Autre exemple, il faut bien comprendre si le franchiseur peut ou non vendre les produits sur son site Internet.
Le futur franchisé ne doit pas se précipiter sur un local proposé par le franchiseur et pour lequel il lui est demandé de signer rapidement. Lorsque le candidat pense avoir trouvé le bon emplacement, avant de signer le bail, il doit passer du temps à proximité pour bien se rendre compte du passage. Il questionnera aussi les commerçants proches et se renseignera en mairie sur les projets d’urbanisme. Il faut toutefois noter que pour certains concepts de restauration, qui demandent des surfaces importantes souvent en périphérie, le franchiseur peut être le mieux placé pour trouver les locaux. »
Olivier Deschamps, avocat (cabinet D,M&D)