Chaque année, quelques centaines d’entrepreneurs rachètent une entreprise franchisée en France. L’opération est séduisante, mais pas exempte de complexité. Deux repreneuses et une avocate vous font partager leur expérience.
Reprendre une franchise peut présenter de réels avantages. Au lieu de devoir tout créer vous-même de a à z, déterminer l’emplacement de votre point de vente ou le faire construire, négocier le bail, surveiller les travaux d’agencement, recruter le personnel, etc, vous pouvez vous retrouver rapidement à la tête d’un centre de profit qui fonctionne déjà parfois depuis des années. D’autant que, si l’historique de l’entreprise est bon et votre profil adéquat, le banquier se montrera, a priori, plus intéressé que par une création avec la même enseigne.
L’opération ne manque toutefois pas de complexité. Entre autres parce que les bonnes opportunités sont rares. Quelques centaines tout au plus chaque année en France. Dont beaucoup trouvent preneur à l’intérieur des réseaux, parmi les autres franchisés ou les salariés. Certaines enseignes matures développent même, de ce point de vue, une stratégie systématique favorisant la multifranchise et/ou l’ascension sociale.
A l’inverse, les précautions à prendre sont nombreuses. Pourquoi le franchisé veut-il ainsi sortir du réseau ? Serait-il insatisfait de son emplacement, de ses marges, de son franchiseur, de la logistique, de l’assistance, de l’ambiance ? Autant de points à vérifier.
Qu’en sera-t-il également demain de la clientèle et du personnel ? Resteront-ils fidèles ? Suivront-ils le cédant si d’aventure il poursuit une activité du même genre dans la même région ? Comment anticiper ces difficultés éventuelles et s’en prémunir ?
Deux franchisées qui viennent de reprendre, l’une un magasin de fleurs à Aix-les-Bains, l’autre une agence de services à la personne à Poitiers et une avocate spécialisée dans le conseil aux franchisés, familière des questions de cession, vous délivrent leurs conseils, tirés de leur propre expérience.
Bien comprendre les motivations du cédant
Un franchisé peut mettre en vente son entreprise pour de bonnes raisons : partir à la retraite, réaliser son patrimoine. Mais il peut aussi vouloir quitter le réseau par lassitude ou insatisfaction. Et là, il faut en savoir plus…
Parmi les premiers points à vérifier par tout repreneur d’une entreprise franchisée, « il faut bien connaître les raisons de la vente», avertit Maître Olga Zakharova-Renaud, avocat associé du cabinet BMGB, qui conseille exclusivement les franchisés, y compris en cas de cession de leur entreprise.
« S’il s’agit d’un départ à la retraite ou d’un multifranchisé qui cède une unité afin de recentrer son activité sur le plan géographique par exemple, il n’y a pas de souci. Mais une mise en vente peut aussi résulter d’une insatisfaction du franchisé, d’une insuffisance de résultats et là il faut s’interroger. »
« Attention, prévient la spécialiste, dans ce cas, le discours du franchiseur qui souhaite garder le point de vente dans le réseau sera le plus souvent rassurant. Parlant du cédant, il vous dira « c’était un mauvais, il n’était jamais là. Mais toi tu es un bon, tu vas réussir… ». C’est peut-être vrai. Peut-être pas… Il faut donc se demander pourquoi le chiffre d’affaires n’est pas à la hauteur des espérances. Est-ce vraiment dû au franchisé qui n’était pas assez commerçant ou bien à l’emplacement qui n’est pas adapté ? »
« LES MARGES SONT-ELLES TROP FAIBLES PARCE QUE L’ON ACHÈTE TROP CHER ? »
Et, au-delà du chiffre d’affaires, il faut savoir ce qu’il en est des marges et de la rentabilité. « Y-a-t-il eu une mauvaise gestion des charges ? Ou bien les marges sont-elles trop faibles parce que l’on achète trop cher au regard des prix de vente que l’on peut pratiquer vu la concurrence et/ou le pouvoir d’achat de la clientèle ? Y a-t-il un prix maximum trop élevé imposé par le franchiseur ?». Des points à éclaircir absolument, selon la praticienne.
Évaluer la santé de l’entreprise et l’ambiance dans le réseau
Si les comptes de résultat et l’historique de l’entreprise ne vous semblent pas assez favorables, vous devez comprendre pourquoi. Même chose quant aux relations entre le franchisé cédant et le franchiseur.
On l’aura compris, l’évaluation de la santé de l’entreprise, de sa viabilité, de son potentiel de rentabilité est cruciale lorsque l’on reprend une franchise.
Parfois, heureusement, tous les indicateurs sont au vert. Repreneuse en septembre 2019 du Jardin des Fleurs d’Aix-les-Bains, Aurélie Fréval n’a pas eu à s’interroger longuement sur ces questions.
Avec ses 640 000 € de chiffre d’affaires lors de son dernier exercice (540 000 en 2015) et son classement dans le « Top 5 » du réseau, le magasin de 170 m² avait tout pour la convaincre. « Au cœur de la ville et au carrefour de grands axes, nous sommes entourés de commerces dynamiques ouverts comme nous 7 jours sur 7. Cela créé un ensemble très attractif et bien en vue», s’enthousiasme la fleuriste qui souligne la « stabilité » de l’activité depuis la création de l’entreprise il y a 10 ans.
Même si, elle qui vient de procéder pour 20 000 € au « relooking » du point de vente, se fixe entre autres comme objectif d’améliorer le trafic client journalier « qui avait tendance à perdre de la vitesse». Il faut ajouter que, travaillant comme employée dans un autre Jardin des Fleurs depuis 2002, elle n’a pas eu, non plus, d’hésitation sur la qualité du réseau et du concept.
Mais tout n’est pas toujours aussi rose…
« LES PROBLÈMES ? CE N’EST PAS LE CÉDANT QUI VOUS EN PARLERA… »
Olga Zakharova-Renaud, avocate des franchisés.
Autre raison possible d’une cession, selon Olga Zakharova-Renaud : la mésentente avec le franchiseur. « Bien sûr, un franchisé peut céder son entreprise pour des raisons personnelles, parce qu’il estime ne pas être fait pour ce métier. Mais s’il s’en va parce que la personnalité du franchiseur est un peu haute en couleurs et clivante, il faut s’interroger. De même, il peut y avoir des dysfonctionnements dans le réseau, un manque d’assistance, de transparence, de dialogue. Ce n’est pas le cédant qui vous en parlera. Il faudra vous renseigner auprès des autres franchisés. »
Prévoir une clause de non-concurrence
Si vous n’êtes pas sûr de ce que le franchisé cédant fera professionnellement après la vente, insérer une telle clause dans l’acte de cession peut s’avérer utile. Ce n’est, heureusement, pas toujours nécessaire.
A propos du cédant encore, il ne faut pas oublier de vérifier ce qu’il compte faire après la vente. «Il peut être judicieux de prévoir dans l’acte de cession une clause de non-concurrence, précise Maître Olga Zakharova-Renaud. Laquelle peut d’ailleurs être moins limitée dans le temps et dans l’espace que les clauses admises dans les contrats de franchise ».
Ces précautions ne sont pas toujours indispensables. Ainsi, après une belle carrière d’encadrante dans les services à la personne, quand Céline Godet a repris, en mai 2019, l’agence Age d’Or Services de Poitiers, elle connaissait déjà bien les cédants. Elle les avait rencontrés, parmi d’autres professionnels, dans le cadre de sa formation de deux ans à l’entrepreneuriat effectuée dans une école de commerce
Quand elle a appris, fin 2018, qu’ils vendaient leur affaire pour partir à la retraite, elle n’a pas hésité à se porter candidate, d’autant qu’elle avait également, toujours dans le cadre de sa formation, établi de bons contacts avec le franchiseur. Ainsi préparée en amont, son acquisition en a été sécurisée.
De son côté, la franchisée cédante du Jardin des Fleurs d’Aix-les-Bains avait pour souhait, après cinq années passées en Savoie, de retourner dans sa région d’origine, l’Auvergne. Lorsque Aurélie Fréval lui a parlé de son intention de se mettre à son compte, les deux fleuristes sont entrées en négociation en toute confiance et ont rapidement contacté le franchiseur qui a, lui aussi, « bien accueilli » leur projet.